L’hypnotisant et chaleureux feu de cheminĂ©e avec ses braises crĂ©pitantes et rougeoyantes dans son Ăątre.
Oh ! Rien que d’y penser, elle avait presque hĂąte !
Oui, un bon feu de cheminĂ©e qui lui rĂ©chaufferait le cĆur et lâĂąme durant l’hiver.
Entendre le doux son du bois craquer au contact des flammes dansantes et lumineuses lui ferait trĂšs certainement oublier sa forĂȘt enchantĂ©eâŠ
L’oublier un temps soit peu, c’est vrai, mais pas dans ses rĂȘves nocturnes pendant que la neige se mettrait Ă tomber dehors et finirait par la recouvrir intĂ©gralement d’un joli manteau dâune blancheur immaculĂ©e…
VoilĂ tout ce dont Ă quoi ce buffet en pin massif lui faisait penserâŠ
Ă toutes ces belles choses qui la rendaient infiniment heureuse…
Ah ! qu’elle aurait aimĂ©, Ă cet instant prĂ©cis, se retrouver dans sa merveilleuse forĂȘt !
Mais cela n’aurait pas Ă©tĂ© raisonnable, Ă©tant donnĂ© qu’il avait bien trop plu.
Tout ne serait donc qu’humiditĂ© et rien que dây penser Mira en fut Ă©cĆurĂ©e !
Non, il Ă©tait plus sage d’attendre que celle-ci redevienne bien sĂšche comme elle l’Ă©tait il n’y a pas si longtemps.
« Peut-ĂȘtre aprĂšs demain et biensĂ»r Ă condition que Maman ne soit pas là » se dit-elle tout en baillant.
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Mira attendait toujours bien sagement que sa Maman revienne mais elle trouvait que le temps Ă©tait de plus en plus long et commençait sĂ©rieusement Ă s’inquiĂ©ter de son absence prolongĂ©e.
Soudain, elle sursauta en entendant :
« Cou-cou ! Cou-cou ! Cou-cou ! »
Le bruit provenait de l’horloge en bois qui se trouvait juste au-dessus de la porte de la cuisine.
CentrĂ©e au beau milieu de celle-ci ; une petite porte arrondie venait Ă peine de s’ouvrir laissant surgir un oiseau qu’elle connaissait fort bien et qui avait le don de lâhorripiler.
Il s’agissait de « Canari », le fameux oiseau de malheur qui se cachait Ă l’intĂ©rieur et qui rĂ©apparaissait de temps en temps quand cela lui chantait.
Et lĂ , il Ă©tait en train de siffloter gaiement dans un son particuliĂšrement aigu qui lâagaçait :
« Cou-cou ! Cou-cou ! Cou-cou ! »
Elle le regarda d’un air mauvais et mĂ©prisant :
« Mais tais-toi donc le Canari ! Pfff ! Oh la la ! On a compris le message ! Il est telle heure ! Et alors ? C’est pas la fin du monde que je sache ! » lui lança t-elle rageuse avec cette irrĂ©sistible envie de lui arracher le bec en deux temps trois mouvements pour quâil puisse se taire une bonne fois pour toutes.
« Cou-cou ! Cou-cou ! » continua de chanter le petit oiseau sans vergogne.
Il venait d’annoncer qu’il Ă©tait exactement 17H00.
Mira avait toujours aimĂ© cette bonne vieille horloge en bois qui devait trĂšs certainement dater de l’avant guerre.
Les jolies arabesques qui y Ă©taient gravĂ©es lui donnaient une allure des plus singuliĂšre et d’une rare authenticitĂ©.
C’Ă©tait vraiment une magnifique horloge !
Par contre, le petit ĂȘtre arrogant qui se renfermait dans ses entrailles n’avait pas le moins du monde sa grĂące.
à dire vrai, elle le détestait.
Certes, c’Ă©tait peut-ĂȘtre un bel oiseau avec son plumage jaune poussin des plus rayonnant mais elle nâarrivait plus Ă supporter son sempiternel « Cou-cou » lui sortant de son minuscule bec orange vif.
Deux couleurs des plus criardes qui se voyaient Ă des kilomĂštres Ă la ronde !
C’est pourquoi elle aimait bien se moquer de lui en l’appelant : Canari.
Quant Ă ses petits yeux noirs vifs et malicieux ; ils semblaient toujours la narguer lorsqu’il jaillissait subrepticement de son antre fermĂ©e Ă double tour.
Sans doute qu’il se sentait Ă l’abri, lĂ haut, Ă l’intĂ©rieur de son refuge et qu’il savait fort bien que Mira n’aurait pas pu lui faire quoi que ce soitâŠ
Ah ! Comme elle aurait voulu l’attraper pour lui rĂ©gler enfin son compte !
Oui ! Pour toutes ces fois oĂč il avait eu l’audace de la faire sursauter en lui chantant Ă tue tĂȘte ses infernales coucous rĂ©pĂ©titifsâŠ
« Cou-cou ! Cou-cou ! »
Mais il ne perdait rien pour attendre celui-lĂ âŠ
Un beau jour, elle se vengerait. Elle ne savait pas encore par quel moyen mais elle finirait bien par trouver…
Elle l’observa encore. C’est fou comme il avait l’air vivant, lĂ haut sur son perchoir en train de lui chanter la sĂ©rĂ©nade !
Câen Ă©tait presque bluffant !
Monsieur Canari faisait son intĂ©ressant. Son grand show. Il devait trĂšs certainement se prendre pour Monsieur Rossignol alors qu’il avait une voix stridente de crĂ©celle !
Mira ne le dĂ©testait pas tant que çaâŠ
Non, c’Ă©tait bien pire. Elle le haĂŻssait !
Elle Ă©tait pourtant habituĂ©e Ă le voir quotidiennement et ce depuis pas mal d’annĂ©es dĂ©jĂ mais bizarrement, elle ne s’Ă©tait point faites Ă son chant.
Non, celui-lĂ , elle n’arrivait toujours pas Ă lâingurgiterâŠ
Cependant, elle reconnaissait qu’il accomplissait fort bien son travail dâannonceurâŠ
Ah ça oui ! Et ce durant ces 5 annĂ©es oĂč elle avait habitĂ© ici.
Et d’aussi loin qu’elle s’en souvienne, jamais encore il n’avait eu la moindre extinction de voixâŠ
Non ! Une vraie machine de guerre ce Canari lĂ ! Et biensĂ»r n’ayant pas la moindre pitiĂ© pour ses oreilles fines et si dĂ©licates.
Elle avait bien essayĂ© de se faire Ă son chant oĂč encore de contrĂŽler ses sursauts lorsqu’il entonnait ses horribles coucou mais elle avait fini par jeter l’Ă©ponge…
C’Ă©tait tout bonnement impossible !
Résultat des courses : elle détestait toujours autant sa voix et continuait à tressaillir lorsque le volatile en bois sortait de sa cachette tel un clown machiavélique.
Dieu qu’elle le mĂ©prisait !
Mira lâobservait encore lorsque soudain la petite porte en bois se referma enfin sur lui.
« Pfff, il Ă©tait temps ! » soupira t-elle en regardant les grandes aiguilles noires de l’horloge.
Elles annonçaient qu’il Ă©tait dĂ©jĂ 17H15.
« Mais que pouvait bien faire Laura ? Elle n’Ă©tait toujours pas revenue » sâinquiĂ©ta t-elle en tournant la tĂȘte vers la porte d’entrĂ©e du salon.
****
Mira commençait à avoir une petite faim alors elle franchit le seuil de la cuisine dont la porte était restée grande ouverte.
Immédiatement, elle remarqua au loin une petite assiette garnie de madeleines dorées qui reposait sur la table centrale.
Juste Ă cĂŽtĂ© de celle-ci se trouvait un bol Ă anse accompagnĂ© d’une petite cuillĂšre Ă cafĂ©.
Mira n’aimait pas trop les madeleines car elles avaient tendance Ă lui coller au palais et puis il faut dire aussi que ce n’Ă©tait pas trop sa tasse de thĂ©.
Son intĂ©rĂȘt se porta donc sur le bol en porcelaine blanc Ă gros pois rouges.
Que pouvait bien t-il contenir ? se demanda t-elle en ne le quittant pas de ses yeux perçants.
Sa curiositĂ© grandissait au fur et Ă mesure qu’elle se rapprochait de la grande table.
Ses narines sentirent les effluves d’un parfum vanillĂ©.
Se pourrait-il que Laura lui ai préparé son dessert préféré ?
Une bonne et onctueuse crĂšme dessert Ă la vanille ?
Hum ! Rien que d’y songer, Mira Ă©tait dĂ©jĂ toute excitĂ©e Ă l’idĂ©e qu’elle le dĂ©gusterait dans quelques secondes.
Un exquis dessert lacté rien que pour elle ! Elle en avait de la chance !
Et sa Maman avait bien veillĂ© Ă le sortir du frigo Ă l’avance car elle savait que Mira aimait le manger Ă tempĂ©rature ambiante et non glacĂ©e.
Le goĂ»t s’en trouvait bien meilleur.
Décidément, elle avait vraiment une Maman en or.
C’Ă©tait donc ça la fameuse surprise que Laura lui avait concoctĂ©e ?
Pourtant, elle aurait jurĂ© que sa Maman lui avait bien dit qu’elle lui ramĂšnerait un cadeau en revenant de ses courses.
Mira plissa les yeux de contentement.
Se pourrait-il alors qu’il y ait une deuxiĂšme surprise ?
Elle s’apprĂȘtait Ă dĂ©guster sa gourmandise lorsque soudain, elle entendit un drĂŽle de bruit qui provenait du salon.
Ah ! Non ! Personne n’avait le droit de la dĂ©ranger lorsqu’elle Ă©tait Ă table !
« Fichu bruit ! Va t’en ! Et laisse moi savourer ce dĂ©licieux met »
Mira se pourlĂ©cha les babines, prĂȘte Ă attaquer son savoureux dessert.
« Crrr, crrr, crrr »
Oh non ! Le bruit de tout Ă l’heure venait encore de recommencer et cette fois-çi il ne s’arrĂȘtait plus.
« Ah ! Mais c’est pas vrai ça ! Je ne peux vraiment pas ĂȘtre tranquille aujourd’hui ! »
Ă contre cĆur elle laissa son assiette de cĂŽtĂ© et retourna vite sur ses pas.
Du seuil de la cuisine elle inspecta de ses yeux dâaigle le vaste salon.
« Crrr, crrr, crrr »
Le bruit s’intensifiait davantage. C’Ă©tait un peu comme un grattement Ă une porte mais elle n’arrivait pas Ă dĂ©celer de quoi il s’agissait exactement.
Ă l’affĂ»t et aux aguets, elle avança Ă pas de loup Ă l’intĂ©rieur du salon tout en scrutant les alentours mais ce n’Ă©tait pas si Ă©vident que ça vu qu’il faisait Ă nouveau sombre ici.
Nous Ă©tions en plein mois d’octobre et le soleil se couchait beaucoup plus tĂŽt.
BientĂŽt il ne tarderait plus Ă faire nuit noire.
« Crrr, crrr, crrr »
Les sens en alerte, Mira Ă©piait les moindres recoins de la piĂšce.
« Crrrr, crrr, crrr »
Par moment, le grattement s’interrompait, rendant alors difficile la recherche de sa provenance.
« Crrr, crrr, crrr »
« Ah la la ! Fichu bruit ! Mais oĂč te caches tu ? » s’agaça Mira.
Soudain AllĂ©luia ! Elle cru voir quelque chose bouger lĂ -bas, lĂ oĂč Ă©tait placĂ© son fauteuil.
Vite, sans plus attendre, elle couru en sa direction puis au dernier moment décida de se positionner juste derriÚre lui afin de mieux épier la chose qui remuait.
Ses yeux verts n’Ă©taient plus que deux fentes extrĂȘmement Ă©trĂ©cis Ă force de scruter dans la pĂ©nombre les contours de cette Ă©trangetĂ©.
Une étrangeté qui avait dû ressentir sa présence car à cet instant précis, elle ne bougea plus du tout.
Sans doute, avait-elle entendu MiraâŠ
« Mince alors ! Allez ! Gratte encore saleté ! Pourquoi tu bouges plus ? » marmonna t-elle entre ses dents.
Soudain, la bestiole recommença innocemment sa petite besogne sans prĂȘter attention Ă Mira qui Ă©tait Ă prĂ©sent juste derriĂšre elle.
Les yeux toujours Ă©trĂ©cis Ă l’extrĂȘme, Mira reconnut enfin le petit animal.
« Quoi ! ? Ce n’Ă©tait quâune vulgaire souris ! ? » sâindigna t-elle courroucĂ©e et prĂȘte Ă lui bondir dessus.
Tout ce raffut nâĂ©tait dĂ» quâĂ une insignifiante petite souris ?
Une souris blanche qui Ă©tait en train de gratter frĂ©nĂ©tiquement avec ses pattes avant un coin fissurĂ© de la plinthe en bois du mur de droite. Celui-lĂ mĂȘme oĂč se trouvait Ă quelques centimĂštres son fauteuil en velours.
Ă l’attaaaaaque !!
Toutes griffes dehors, Mira bondit en avant tel un boulet de canon mais au moment oĂč elle allait se jeter sur le rongeur ; celui-ci se faufila aussi vite que l’Ă©clair par un petit trou attenant Ă l’Ă©troite fissure qu’il n’avait pas eu le temps d’Ă©largir.
« Oh non ! SaletĂ© va ! T’as rĂ©ussi Ă ĂȘtre plus rapide que moi ! » pesta t-elle dĂ©pitĂ©e d’avoir pu manquer son coup.
Et dire qu’elle avait Ă©tĂ© Ă deux doigts de lui rĂ©gler son compte !
« Une vraie Speedy Gonzales ! celle-là ! » admit-elle avec une certaine fascination.
« Mais tu ne perds rien pour attendre ! » souffla t-elle sournoisement.
« En plus tu as osĂ© faire ta petite cachette juste Ă cĂŽtĂ© de mon fauteuil. Ah la la ! Grave erreur, vilaine souris ! » s’insurgea t-elle en regardant d’un Ćil l’intĂ©rieur du trou par lequel le rongeur s’Ă©tait introduit si lĂąchement.
Mais hélas, celui-ci semblait totalement vide.
Speedy Gonzales s’Ă©tait bel et bien volatilisĂ©e.
Elle avait dĂ» trĂšs certainement emprunter une des nombreuses galeries creusĂ©es par elle oĂč ses congĂ©nĂšres.
Car s’il y en avait une ; il devait alors y en avoir plusieursâŠ
Elle prendrait alors son temps et un malin plaisir Ă les pourchasser l’une aprĂšs l’autre…
En tous cas, Ă l’avenir, elle resterait vigilante car elle dĂ©testait que des intrus envahissent son territoire.
Speedy Gonzales et le Canari ne perdaient rien pour attendre…
Mira regarda autour d’elle.
Avec la venue impromptue de cette souris, elle ne s’Ă©tait pas aperçu que le salon Ă©tait Ă prĂ©sent plongĂ© dans le noir.
Elle ne craignait point la nuit mais elle commençait à se faire du mauvais sang pour sa Maman.
Elle jeta un Ćil Ă la porte d’entrĂ©e qui Ă©tait toujours obstinĂ©ment fermĂ©eâŠ
Mais que pouvait bien faire Laura Ă cette heure si tardive ?
Pour passer le temps, elle décida de rester encore quelques instants devant le trou de la plinthe, histoire de voir si la souris finirait bien par en ressortir.
Mais Speedy Gonzales Ă©tait loin d’ĂȘtre bĂȘte.
Ce soir, il Ă©tait Ă©vident qu’elle ne montrerait plus le bout de son museau.
Mira devait se résigner.
Elle commença Ă bĂąiller d’ennui et repensa Ă nouveau aux douces paroles de sa Maman :
« Je te ramÚnerai une petite surprise ma Mira ! Sois bien sage surtout ! »
Les rĂ©pĂ©ter inlassablement dans sa tĂȘte lui permettaient de se rassurer et mĂȘme si elle commençait Ă redouter le pire.
« Pourvu que sa Maman n’ait pas eu un accident sur la route » se demanda t-elle trĂšs inquiĂšte.
Mais il ne fallait surtout pas qu’elle perde les pĂ©dales.
Et pour cela, il valait mieux qu’elle resta positive en se disant que Laura ne tarderait plus Ă revenir.
Soudain, elle repensa Ă son onctueuse crĂšme dessert qu’elle avait bien failli oublier Ă cause de la satanĂ©e Speedy Gonzales.
Celle-ci lui redonnerait du baume au cĆur concernant son inquiĂ©tude pour sa Maman et lui permettrait Ă©galement d’oublier le fĂącheux petit incident qu’elle avait eu avec le rongeur.
****
Mira venait Ă peine de terminer sa dĂ©licieuse crĂšme dessert Ă la vanille lorsqu’elle repensa encore aux paroles de Laura :
« Je reviendrai avec une petite surprise pour toi ma Chérie. Sois bien sage surtout ! »
VoilĂ ce qu’elle lui avait dit avant de refermer derriĂšre elle, la lourde porte d’entrĂ©e en bois massif.
Elle ne pouvait s’empĂȘcher de se la ressasser en boucle.
Elle revoyait aussi l’image de son doux visage souriant avec ce joli foulard rose pastel nouĂ© autour de son cou dĂ©licatement parfumĂ©.
Un parfum aux notes florales emportĂ© dans le sillage du vent frais de cet aprĂšs-midi lĂ et que Mira n’avait point oubliĂ©.
Ă cette pensĂ©e, elle eut une boule dans la gorge. Sa Maman lui manquait…
Soudainement, elle entendit le Canari chanter :
« Cou-cou ! Cou-cou ! »
Elle sursauta mais bizarrement ne lui en voulut pas.
Cet oiseau de malheur rompait le silence de plomb qui régnait dans la vaste maison et cela la rassurait.
Et mĂȘme si son « Cou-cou » Ă©tait dĂ©testable ; elle lui en Ă©tait quand mĂȘme reconnaissanteâŠ
Et dire qu’il n’y a pas si longtemps, elle mourait d’envie de lui arracher le bec !
Ce n’Ă©tait plus le cas maintenant. Le Canari Ă©tait devenu son ami.
Il venait dâannoncer qu’il Ă©tait exactement 19H00.
Son inquiétude redoubla.
Jamais encore sa Maman n’Ă©tait arrivĂ©e en retard. Elle respectait toujours ses promesses…
Mais que faisait-elle alors ?
Elle regarda par la baie vitrĂ©e. Le jardin Ă©tait dans l’obscuritĂ© totale et il n’y avait pas Ăąme qui vive.
Sa Maman ne donnait pas de cours le samedi au lycĂ©e et c’est pour cela qu’elle profitait toujours de ce jour pour faire ses courses.
« Maman ! Reviens moi ! S’il te plaĂźt ! »
Elle faisait cet ultime vĆu tout en regardant le ciel noir opaque dĂ©nuĂ© d’Ă©toilesâŠ
Soudain, elle entendit un cliquetis Ă la porte.
Incroyable mais vrai ! Sa demande avait-elle été exaucée ? !
Vite, le cĆur battant et sans plus attendre, elle courut vers la porte et attendit.
Son impatience la rendait fébrile et trÚs nerveuse.
Subitement, la porte s’ouvrit enfin en grand, laissant apparaĂźtre sa douce et belle Maman qui lui lança :
« Coucou ma chĂ©rie ! Oui, je sais, je suis trĂšs en retard. Attends, je vais allumer. On nây voit strictement rien ici ! »
Le grand lustre du salon s’illumina immĂ©diatement, Ă©clairant toute la piĂšce dâune intense lumiĂšre qui faisait plaisir Ă voir.
Ainsi, le salon retrouvait enfin son cÎté chaleureux et sécurisant.
« Oh ma Chérie ! Tu as dû avoir peur toute seule ici dans le noir. Je suis vraiment désolée »
Laura dĂ©posa son gros sac de provisions sur le carrelage puis s’empressa de fermer Ă clef la lourde porte en bois.
Elle se retourna et regarda Mira avec une extrĂȘme douceur dans le regard.
« Tu sais, je m’inquiĂ©tais pour toi ma Mira. Te savoir toute seule ici me tracassait. Mais je suis heureuse de te retrouver enfin. Allez, viens me faire un cĂąlin »
Tout en s’accroupissant, elle tendit les bras vers elle mais Mira ne broncha pas.
Elle restait immobile sans ciller.
« Que se passe-t-il ma Chérie ? Tu me boudes ? »
Le regard vert de Mira était réprobateur.
« Ah ! Je vois ! Tu m’en veux toujours. Mais tu sais ce n’est pas entiĂšrement de ma faute. Il y avait beaucoup de monde au supermarchĂ© et lorsque je conduisais sur la route qui mĂšne chez nous ; j’ai dĂ» faire un dĂ©tour Ă cause d’un grave accident »
Les yeux verts de Mira sâarrondirent d’Ă©tonnement.
Mais alors l’absence prolongĂ©e de sa Maman Ă©tait donc dĂ» Ă cause de toutes ces choses ?
« Tu m’en veux toujours ? » questionna Laura avec un petit sourire enjĂŽleur.
Avec de tels arguments ! Grand Dieu ! Biensûr que non ! Alors, contre toute attente, elle se précipita avec hùte vers sa Maman puis se caressa immédiatement tout contre elle en faisant ses pattes de velours.
« Oooh ! Ma jolie Mira ! » s’exclama Laura avec une certaine Ă©motion dans la voix.
Mira ronronnait de plaisir en ne cessant de se caresser contre elle.
« Mais toi aussi Maman ! Tu m’as manquĂ©e » miaula t-elle d’une petite voix en la dĂ©vorant des yeux.
« Oh ! J’aime quand tu me fais des cĂąlins comme ça ma Mira ! »
Laura lui caressa affectueusement la tĂȘte puis passa sa main sous son ventre tout blanc et si soyeux. Elle savait que Mira aimait bien qu’on le lui caresse en faisant de grands vas et vient.
Mira ronronnait de plus belle. Elle Ă©tait vraiment au septiĂšme ciel.
Laura lui fit ensuite un petit bisou sur le bout du nez.
« Ah ! mais j’allais oublier ta surprise ! » s’Ă©cria t-elle subitement.
« Attends, je vais la chercher dans le sac » ajouta t-elle en se relevant.
Quelques secondes plus tard, elle tenait dans sa main droite un sachet brillant qui ressemblait Ă un gros paquet de chips.
Mira le reconnut immĂ©diatement avec son logo si particulier qui reprĂ©sentait l’empreinte d’un coussinet fĂ©lin.
« Tiens ! Regarde ! C’est pour toi ma Mira ! » s’enthousiasma Laura en commençant Ă lâagiter de haut en bas.
« Tu reconnais ce bruit ? »
Bien Ă©videment qu’elle le reconnaissait !
Et quand bien mĂȘme il y aurait eu tout un tas de vacarme autour ; elle l’aurait encore reconnu entre milleâŠ
Mira ne cessa de le fixer de ses grands yeux verts en amande pendant que sa Maman continuait de le lui agiter sous le nez.
« Quel son merveilleux ! » miaula t-elle en ne le quittant pas des yeux.
Sa Maman venait de lui offrir un trĂšs joli cadeau : ses croquettes favorites d’aprĂšs le coussinet dorĂ© qui Ă©tait dessinĂ© dessus.
Sa marque prĂ©fĂ©rĂ©e ! Les savoureuses et fondantes croquettes de bĆuf aux lĂ©gumes verts dont elle raffolait tant.
Mira ronronna de plus belle Ă l’idĂ©e de bientĂŽt les croquerâŠ
Mais elle ne ronronnait pas que pour ellesâŠ
Est-ce que Laura s’Ă©tait aperçu qu’elle s’Ă©tait beaucoup inquiĂ©tĂ© pour elle ?
Et se doutait-elle un seul instant de l’immense amour qu’elle lui portait ?
Un amour qui surpassait tout le confort dont elle bénéficiait ici dans cette maison.
Un amour dĂ©bordant qui ne pouvait ĂȘtre comblĂ© et rassasiĂ© juste par des croquettes aussi affriolantes soient-elles.
Un amour qu’elle avait besoin de transmettre car elle n’Ă©tait peut-ĂȘtre qu’une chatte de gouttiĂšre, un fĂ©lin ronronnant Ă la moindre caresse ou victuaille ; elle nâen restait pas moins un ĂȘtre vivant avec un cĆur rempli de sentiments Ă l’intĂ©rieur.
Un cĆur qui n’oublierait jamais ce jour ou Laura l’avait adoptĂ©e un certain mois de juillet de l’annĂ©e 2013 Ă la SPA ; juste en Ă©tant attirĂ©e par ses miaulements de dĂ©sespoir, sans mĂȘme la voir !
Ce jour oĂč elle Ă©tait encore tenue prisonniĂšre dans l’une de ces cages, enfermĂ©e Ă double tour avec cinq autres amies comme elle qui attendaient en vain de se faire adopter mais sans aucun succĂšs.
Ce jour oĂč pourtant une certaine Laura avait su remarquer la dĂ©tresse dans sa voix Ă©raillĂ©e, Ă force de miauler.
Ce jour qui avait changĂ© irrĂ©mĂ©diablement sa vieâŠ
Une complainte que Laura avait su Ă©couter et qui l’avait alors guidĂ©e et menĂ©e jusqu’Ă elle.
Elle, la chatte de gouttiĂšre aux yeux vertsâŠ
Et le coup de cĆur fut rĂ©ciproque. Aussi bien pour l’une que pour l’autreâŠ
Une rencontre qui Ă©tait sans doute Ă©criteâŠ
Le plus beau jour de sa vie…
Un jour Ă jamais gravĂ© dans son petit cĆur de fĂ©lin.
Un cĆur qui avait enfin trouvĂ© sa Maman.
Une merveilleuse Maman qui l’avait sauvĂ©e et aimĂ©e de toute ses forces d’un amour inconditionnelâŠ
Un amour qui durerait encore et encore…
Son plus beau cadeau sur Terre…